Histoire des réfugiés palestiniens


L'histoire des réfugiés palestiniens est intimement liée à l'histoire du conflit israélo-palestinien (voir par exemple les 20 dates clefs du conflit israélo-palestinien par Dominique Vidal). Le premier exode des Palestiniens a eu lieu en 1948 ; aussi appelé la Nakba (la catastrophe, le désastre), cet exode a eu lieu lors de la création de l’état d’Israël, lorsque les Palestiniens ont fui les combats et ont été chassés de leurs terres par les forces israéliennes. On estime à 950 000 le nombre de réfugiés palestiniens en 1950.
A cette époque, les réfugiés s’établissent principalement en Cisjordanie et dans la bande de Gaza (qui devient l’endroit le plus peuplé au monde, avec plus de 4000 habitants au km2). Près d’un tiers se répartissent entre le Liban (100 000 réfugiés palestiniens), la Jordanie et la Syrie.

La création de l’état d’Israël a engendré des déplacements de populations considérables : en 1946, la Palestine comptait 608 000 juifs et 1 242 000 arabes ; en 1949 : 8.2 % des arabes ont eu le droit de rester en Israël, 30.8 % étaient sous pouvoirs jordanien (Cisjordanie) et égyptien (Gaza), et 61 % étaient des réfugiés, répartis entre la Jordanie d’alors (incluant la Cisjordanie), Gaza, le Liban et la Syrie.

En 1967, la guerre des six jours a entrainé une deuxième vague de migration d'environ 30000 réfugiés venant de Cisjordanie et de Gaza.

L’UNRWA

L’UNRWA, l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East) a été créé à la suite de la guerre de 1948. Son but est de répondre aux besoins essentiels des réfugiés palestiniens en matière de santé, d'éducation, d'aide humanitaire et de services sociaux, ce qui fait que les réfugiés palestiniens sont les seuls réfugiés au monde à ne pas dépendre du Haut commissariat aux réfugiés. Il est de loin la plus grande agence de l’ONU avec un personnel de plus de 25 000 personnes, dont 99 % sont des réfugiés palestiniens recrutés localement.

Qu’est-ce qu’un réfugié de Palestine ?

Selon la définition de l’UNRWA, c’est une personne (ou le descendant d’une personne) dont le lieu de résidence habituel était la Palestine entre juin 1946 et mai 1948 et qui a perdu à la fois son domicile et ses moyens de subsistance en raison du conflit israélo-arabe de 1948.
Les réfugiés palestiniens représentent le plus important groupe de réfugiés au monde (18 % de la population totale des réfugiés dans le monde), et celui dont le statut de réfugiés dure depuis le plus longtemps.
Du fait de l’existence de l’UNRWA, qui a pour vocation de leur offrir une assistance humanitaire, les réfugiés palestiniens échappent à la protection de la convention internationale de Genève de 1951, relative au statut de réfugié.


Où vivent les réfugiés palestiniens ?

En 2008, le Bureau central palestinien des statistiques dénombre 10.6 millions de Palestiniens :
- 1.2 million sont en Israël
- 3.9 millions sont dans les « territoires », dont Jérusalem
- 4.7 millions sont des réfugiés :
• 41.8 % en Jordanie
• 23 % à Gaza
• 16.3 % en Cisjordanie
• 9.9 % en Syrie
• 9 % au Liban
- 740 000 sont dans les autres pays arabes
- 200 000 sont aux Etats-Unis
- 70 000 sont en Europe
- 50 000 sont au Brésil

Un tiers des réfugiés palestiniens, soit près de 1.4 million de Palestiniens, habitent dans 58 camps identifiés en Jordanie, au Liban, en Syrie, dans la bande de Gaza, en Cisjordanie, incluant Jérusalem-Est.

Histoire des réfugiés palestiniens au Liban*

Les réfugiés palestiniens résidant au Liban font intégralement partie du peuple palestinien et de sa diaspora. Néanmoins leur histoire est étroitement liée notamment depuis 1970 à celle du peuple libanais et c’est ce qui rend leur situation spécifique.
Cette communauté palestinienne a été partie prenante dans les conflits qui ont déchiré ce pays de 1973 à 1989. En effet la présence palestinienne fût un catalyseur dans cette guerre civile qui opposait les musulmans et les chrétiens libanais d’une part , les parties de droite et les partis progressistes d’autre part. L’OLP dont les dirigeants avaient du se replier à Beyrouth en 1970 pour fuir la répression du régime jordanien avaient obtenu par les accords du Caire de s’équiper en armes lourdes pour se défendre contre les attaques israéliennes et celles des milices chrétiennes libanaises. Dès le début, plusieurs camps furent encerclés par ces dernières et détruits. Ce fût notamment le cas du camp de Tall el Zataar dans la banlieue de Beyrouth dont la totalité de la population trouva refuge dans les camps de Sabra et Chatila.


En 1982 une partie du Liban, dont Beyrouth, fût envahie par l’armée israélienne du général Sharon. Cela entraîna le déplacement de 170000 Palestiniens vers les camps des régions non envahies du nord du Liban et par la suite le départ des Fedayin de l’OLP, Arafat trouvant refuge avec ses collaborateurs en Tunisie. Les civils palestiniens, sans défenses, subirent une terrible répression de la part des milices libanaises de droite, comme lors du massacre de Sabra et Chatila. Trois ans plus tard, au printemps 1985, les forces palestiniennes reconstituées furent, à nouveau, soumises à l’agression de la part des milices chiites Amal, tout particulièrement dans le sud du Liban dont la population est à dominante chiite. La « guerre des camps » comme elle fût appelée a entraîné de nouveaux déplacements et des pertes humaines importantes du coté palestinien. Celle-ci fût ressentie plus durement encore par la population palestiniennet que l
’invasion israélienne de 1982.

Depuis les accords de Taef de 1989 qui mirent fin à la guerre civile les palestiniens du Liban, les Palestiniens n’ont plus fait l’objet d’attaques ciblées. Il faut néanmoins citer la destruction en 2007 du camp de Nahr El Bared situé dans le nord du pays par l’armée libanaise, en représailles contre un groupe de combattants étrangers d’obédience salafiste.

Mais la guerre civile a laissé des traces profondes et ses conséquences sociales sont encore présentes aujourd’hui. Abandonnés par l’OLP, sans beaucoup de soutien des pays arabes, les réfugiés palestiniens du Liban sont toujours des « laissés pour compte ». En outre , bien qu’ils ont constamment repoussé l’idée d’une intégration politique , les autorités et l’opinion publique libanaise ont toujours été persuadés qu’Israël et ses alliés occidentaux finiront, d’une manière ou d’une autre, par imposer cette intégration qui bouleverserait l’équilibre communautaire très fragile du Liban. Les Palestiniens au Liban éprouvent d’autant plus d’inquiétudes au sujet de leur sort futur qu’il existe un vide juridique concernant leur statut et la nature de leurs droits.

Données chiffrées actuelles sur les Palestiniens du Liban
Le site de l'UNWRA au Liban décrit les activités de l'ONG et donne des informations sur les réfuugiés. Au Liban, sur les 425 000 réfugiés inscrits auprès de l'UNRWA depuis 1948, entre 260 000 et 280 000 résident encore aujourd'hui au Liban (chiffres issus étude de l'UNRWA, en collaboration avec l'Université américaine de Beyrouth).  Les Palestiniens vivent pour leur grande majorité dans les 12 camps répartis sur l'ensemble du territoire, ou dans les alentours des camps.

Les Palestiniens du Liban font face à des problèmes spécifiques : manque de droits civils, absence d’accès aux services sociaux publics, accès très limité à l’éducation et aux organismes de santé publique.
Apatrides depuis 3 ou 4 générations, enregistrés auprès de l’UNRWA et / ou des autorités libanaises, les réfugiés palestiniens au Liban n’ont que des documents de résidence leur permettant de rester au Liban. Ils ne possèdent pas de passeport, mais un « document de voyage ».
Pour les autres droits civils, les Palestiniens sont régis par les mêmes lois que celles des étrangers. Beaucoup de leurs droits sont dérivés de la législation qui gère les résidents temporaires.
Les Palestiniens sont interdits de professions libérales, comme la médecine, le droit et l’ingénierie, et n’ont pas le droit de travailler dans la plupart des corps de métier sans permis de travail.
Les Palestiniens n’ont pas accès aux services publics de soins de santé, ils doivent se contenter des services insuffisants et surchargés de l’UNRWA.

Les Palestiniens sont limités dans leur accès à l’enseignement secondaire public, car un nombre limité de places dans les écoles publiques est ouvert aux étrangers, y compris les Palestiniens.
L’accord de Taëf de 1989, qui a officiellement mis fin à la guerre civile libanaise, interdit aux Palestiniens toute assimilation (« Tawtin »).

Le décret de 1969 sur la propriété interdit officiellement aux Palestiniens d’acquérir une propriété ou de léguer une propriété à leur famille.
Le droit de propriété a été modifié en 2001 afin de permettre aux étrangers de posséder des biens, mais la loi exclut les Palestiniens de cet amendement, par le biais d’une clause qui interdit la possession de biens immobiliers à une personne qui n’est pas citoyenne d’un Etat reconnu, ou dont la propriété d’un bien serait contraire à l’interdiction constitutionnelle de « tawtin ».

Point de vue de la FIDH

Selon la FIDH, la Fédération internationale des droits de l’homme, « Le réfugié palestinien établi au Liban ne bénéficie que d’un droit de résidence, réduit au strict minimum. Il est caractérisé par une extrême vulnérabilité, puisqu’il ne bénéficie d’aucune protection juridique » (il n’est pas protégé par la Convention de Genève de 1951 relative au statut de réfugié).
« C’est cet aspect qui permet aux autorités libanaises de promulguer des lois de plus en plus discriminatoires envers les réfugiés palestiniens, ce qu’elles n’ont pas hésité à faire depuis que leurs relations, cordiales au départ, se sont petit à petit détériorées du fait de l’absence de perspective d’une résolution globale du conflit israélo-palestinien. »
La FIDH a publié un rapport en mars 2003 sur la situation des réfugiés palestiniens au Liban : Les réfugiés palestiniens : discriminations systématiques et désintérêt total de la communauté internationale (mars 2003).




 

Situation des Palestiniens vivant dans les camps libanais

Derniers chiffres donnés en juin 2008 par l'UNRWA, concernant la population des camps :

• Ein El Helweh 47 200
• Nahr El Bared 32 700
• Rashidieh 27 200
• Borj El Chamali 19 600
• Bedawi 16 400
• Borj El Brajneh 16 000
• El Bass 9 800
• Dikwaneh 9 400
• Chatila 8 600
• Wayval 7 800
• Nabatieh 7 400
• Mieh mieh 4 600
• Dbayeh 4 000
• Mar Elias 600


Selon une enquête récente de l'UNRWA et l'Université américaine de Beyrouth, 66 % des Palestiniens vivent sous le seuil de pauvreté, situation qui forcent encore aujourd'hui des milliers d’entre eux à fuir le pays. Au niveau de l’emploi - facteur-clé d’intégration sociale - l’enquête révèle que 56 % des Palestiniens résidant au Liban sont au chômage et que deux tiers des personnes employées exercent des métiers peu qualifiés, concentrés essentiellement dans les secteurs de la construction et de l’agriculture.

Ces chiffres pourraient toutefois s’améliorer suite à l’amendement en août 2010 de l’article 59 du code du travail, qui a désormais permis aux Palestiniens d’accéder à 72 métiers, jusque-là hors de portée. Nombreux sont toutefois les sceptiques qui y voient une amélioration en trompe-l’œil, étant donné que l’amendement légal ne porte pas sur les professions libérales (médecins, avocats...).

Les résolutions de l’ONU


Israël refuse d’appliquer plus de 70 résolutions de l’ONU concernant la Palestine (181, 194, 242, 338, 1322, 3236…).
Les Etats-Unis ont mis leur véto plus de 50 fois pour bloquer des résolutions du Conseil de sécurité concernant la Palestine et Israël.

La résolution 194 (11 décembre 1948), dite « Résolution du droit au retour » donne la «...Permission aux réfugiés qui le souhaitent de rentrer dans leurs foyers » et stipule le « paiement d’indemnités en compensation des biens de ceux qui décident de ne pas rentrer ainsi que pour tout bien perdu ou endommagé… ».
Israël a été admis en 1949 à l’ONU sous condition de la reconnaissance de toutes les résolutions onusiennes, et en particulier la 194.
*Références bibliographiques :
-Les réfugiés palestiniens du Liban.une géographie de l’exil, CNRS éditions 2006 252 pages
-Les 15 dates-clefs du conflit israélo-palestinien, par D. Vidal,  cahier de formation AFPS N°1, 2002
-Palestine 1948 : l’expulsion, par D. Vidal, cahier de formation AFPS N°8, 2003
-La question des réfugiés et le droit au retour, par E. Sanbar, cahier de formation AFPS N° 13 2004